đŒđŠđDans la classe de Julie, une prof qui s’inspire de Maria Montessori
Julie est prof des Ă©coles dans un Ă©tablissement privĂ© sous contrat avec lâEtat dans le Morbihan. Cela fait 8 annĂ©es qu’elle sâinspire notamment de la pĂ©dagogue italienne Maria Montessori. Sa classe va de la petite section de maternelle au CP.

Comment en es-tu venue à une approche inspirée de Maria Montessori ?
Jâai commencĂ© Ă enseigner il y a 11 annĂ©es en CE1 dans un apprentissage classique. Cependant, dĂ©jĂ , je souhaitais que les enfants soient acteurs ou actrices de leurs apprentissages. Je favorisais lâautocorrection (par exemple, je ne corrigeais pas entiĂšrement un exercice). Lâapproche Montessori me plaisait. LâannĂ©e suivante, en petite section de maternelle, je me suis inspirĂ©e dâun site pour mettre en place des activitĂ©s autonomes.
Deux ans plus tard, le nombre dâĂ©lĂšves dans ma classe de petite section a largement dĂ©passĂ© les 30 Ă©lĂšves đ. Je me suis dit que jâallais ĂȘtre Ă©puisĂ©e, quâil Ă©tait nĂ©cessaire de mâappuyer davantage sur lâautonomisation des enfants. Jâai donc mis en place des activitĂ©s en libre-service. Jâai bĂ©nĂ©ficiĂ© du financement dâune formation Montessori, qui a toutefois Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e sur mon temps personnel.
Jâai passĂ© 6 ans en petite section et les rĂ©sultats Ă©taient formidables: les enfants choisissaient leurs activitĂ©s individuelles et sâĂ©panouissaient. Il est stressant de se dire que les apprentissages dĂ©pendent du prof, ou de la prof des Ă©coles. A lâinverse, il est reposant de constater la gestion que les enfants peuvent mettre en place et lâautonomie qui se dĂ©veloppe progressivement. Il est Ă©galement gratifiant pour un ou une prof de disposer de temps âłet dâĂ©nergie pour intervenir lorsque cela est nĂ©cessaire (pour prĂ©senter des activitĂ©s, aider des Ă©lĂšves rencontrant une difficultĂ©, ou nĂ©cessitant des encouragements) et proposer de nouveaux projets. Les enfants, heureux dâaller Ă lâĂ©cole, fabriquaient leurs costumes de kermesse, inventaient des histoires đâïž, des chansonsđ”, jâavais lâimpression de me trouver dans une ruche de crĂ©ativitĂ©.
Aujourdâhui, ma classe comprend 23 Ă©lĂšves de la petite section de maternelle au CP.
En quoi consiste ta pratique pédagogique ?
En maternelle
Les enfants choisissent librement leurs activitĂ©s individuelles en dehors de temps de regroupement, et gĂšrent lâessentiel de leur emploi du temps. Cette libertĂ© sâaccompagne de rĂšgles âïž: par exemple les enfants doivent ranger aprĂšs chaque activitĂ©, et de maniĂšre gĂ©nĂ©rale respecter leurs camarades.
Dans mon Ă©cole, les parents et la Direction, informĂ©s de ma formation et de mon inspiration Montessori, lâacceptent bien, les relations sont trĂšs bonnes.
La grande force de lâapproche Montessori est lâenseignement des gestes essentiels de la vie quotidienne, y compris les plus simples (se moucher, se laver les mains, dans la classe, comment se dĂ©placer sans dĂ©ranger les autres ou dĂ©placer une chaise, ou mĂȘme sâadresser Ă une personne adulte par exemple).
Le matĂ©riel dont je dispose comprend des Ă©lĂ©ments classiques qui ne sont pas inclus dans lâapproche Montessori. Il est rangĂ© en aires concernant notamment la vie pratique, le langage đet les maths đąâđïžđ§± . Pour favoriser la motricitĂ© fine, la crĂ©ativitĂ© et/ou lâĂ©criture âïžtout en limitant les dĂ©placements, jâai regroupĂ© dans une aire des pots de crayon, des feuilles pour Ă©crire ou dessiner librement ainsi que des pages de magazines sur des fleurs đŒĂ dĂ©couper ou, pour les plus jeunes, des pages ne nĂ©cessitant quâun coup de ciseaux, puis 2 coups de ciseaux, comprenant un systĂšme de progression. Dans la classe, les enfants peuvent Ă©galement choisir de faire de la peintuređš sur chevalet (si les places sont disponibles, sinon, lâattente constitue la rĂšgle) ou des pochoirs. Jâai intĂ©grĂ© dans lâaire des maths une partie de repĂ©rage dans lâespace avec des constructionsđŒ(des planchettes Kapla* ou des cubes par exemple). Des jeux de puzzles đ§© y sont Ă©galement en libre-service. Les enfants se mettent sur des tapis, souvent cĂŽte Ă cĂŽte. Lâexcellent matĂ©riel Montessori dĂ©cimal en bois (unitĂ©s, dizaines, centaines, milliers) demeure assez onĂ©reux. De ce fait, nous utilisons beaucoup de carton.
Lâapproche de Maria Montessori apparaĂźt complĂšte et comprend des petites expĂ©riences scientifiques đ§Ș trĂšs chouettes Ă mener dĂšs la maternelle. Dans ma classe, les enfants disposent dâun pot avec un aimant đ§Č et un autre pot avec des objets pour tester ce que lâaimant attire, ou non. Une autre activitĂ© consiste Ă identifier ce qui flotte ou ce qui coule dans lâeauđ§, grĂące Ă un contenant de divers objets, un ramequin et un pichet. Les enfants adorent cela.
Jâinterviens surtout pour montrer un aspect (« lĂ , je vais te montrer comment faire, tu me regardes đ, ensuite on va le faire ensemble, puis tu le feras seul.e »), ou si un point mĂ©rite dâĂȘtre clarifiĂ©.
Le temps de concentration peut dĂ©pendre des jours et des enfants, il varie souvent entre 30 et 40 minutes par activitĂ©, mais il arrive quâun ou une enfant y passe une heure sans sâinterrompre.
En CP
Jâai mis en place une formule plus classique en françaisđ et en maths. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les parents et ma direction ne souhaitent pas lâabandon des manuels scolaires et restent en faveur dâun suivi assez dĂ©taillĂ© des exercices.đ Je peux lâentendre. Je privilĂ©gie lâautocorrection au sein de cette approche plus traditionnelle. Je nâindique pas prĂ©cisĂ©ment une erreur par exemple, je mets une croix dans la marge du cahier pour que les enfants la corrigent eux-mĂȘmes, ou elles-mĂȘmes, essentiellement grĂące Ă du matĂ©riel.
Sinon, les enfants choisissent librement leurs activitĂ©s individuelles de dĂ©couverte et dâexpĂ©rimentation; de ce point de vue, lâautonomie prĂ©vaut Ă©galement en CP.
Curiosité et motivation des enfants
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, en plus du choix libre des activitĂ©s qui favorise lâenthousiasme, les enfants se motivent Ă©normĂ©ment entre eux, avec des phases dâimaginaire collectif (en ce moment les Kapla* sont trĂšs Ă la mode, alors quâavant cela ne les intĂ©ressaient pas, une pĂ©riode de livres et dessins de type “cherche et trouve” sâest tenue prĂ©cĂ©demment) et sâamusent.
Quel que soit le niveau de classe, je mâappuie Ă©normĂ©ment sur leur curiositĂ©. Si un enfant, ou une enfant, revient de vacances, cela peut donner lieu Ă des recherches et apprentissages (par exemple en gĂ©ographie đ). Les apports de lâextĂ©rieur dans la classe mâapprennent beaucoup Ă©galement, et mâamĂšnent Ă proposer des activitĂ©s auxquelles je nâaurai pas pensĂ© spontanĂ©ment, cela est intĂ©ressant!
Dâautres approches
Je mâinspire beaucoup de lâapproche de Maria Montessori, un peu de celle de CĂ©line Alvarez [NB: ancienne prof des Ă©coles, autrice contemporaine, elle-mĂȘme trĂšs inspirĂ©e par Maria Montessori]. NĂ©anmoins, cela nâest pas exclusif: je peux piocher Ă©galement dans lâĆuvre de CĂ©lestin Freinet [pĂ©dagogue français, 1896-1966], par exemple.
La libertĂ© pĂ©dagogique mâapparaĂźt prĂ©cieuse pour observer, expĂ©rimenter, proposer, ajuster (certains aspects fonctionnent mieux avec un groupe quâavec un autre ou varient selon les enfants), et assurer mon confort. Maria Montessori elle-mĂȘme a Ă©tĂ© chercheuse et observatrice tout au long de sa vie. Les profs, et non seulement les enfants, doivent Ă©tayer, proposer, constater les rĂ©sultats, rĂ©essayer, ajuster et corriger si besoin, en respectant les programmes de lâĂducation nationale et les acquis demandĂ©s đ.
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*NB : Ces planchettes en bois, inventĂ©es Ă la fin des annĂ©es 1960, ne font pas partie du matĂ©riel Ă©laborĂ© ou intĂ©grĂ© par Maria Montessori (1870-1952) dans ses Ă©coles. NĂ©anmoins, favorisant le jeu, la persĂ©vĂ©rance, le partage et la crĂ©ativitĂ©, les Kapla sont accessibles dans de nombreuses classes  (mais pas dans celles qui appliquent une mĂ©thode Montessori stricte. Il en va de mĂȘme concernant les jeux de puzzles.)